La stratégie d'investissement

janvier 2024

Le retour d’une volatilité plus importante devrait marquer l’année 2024

Les marchés financiers ont poursuivi leur progression au mois de décembre, grâce aux évolutions satisfaisantes de l’inflation et de la conjoncture. Tous ces éléments, associés à la fin probable du cycle de resserrement monétaire, ont permis au scénario d’atterrissage en douceur réussi de garder la faveur des investisseurs, jusqu’à ces derniers jours. En effet, l’incertitude sur la croissance, sur l’inflation et sur le rythme de la baisse des taux devrait nous accompagner pendant plusieurs mois. Outre ces trois facteurs d’incertitude, l’année 2024 peut nous réserver d’autres surprises défavorables. Toute déception serait plus sanctionnée qu’en 2023 étant donné les niveaux des indices et les valorisations relativement élevées qu’ils ont retrouvées face à des taux d’intérêt à 10 ans relativement bas. Le retour d’une volatilité plus importante devrait marquer l’année 2024 jusqu’à disparition de ces sources d’interrogation et d’incertitude. Nous n’avons pas modifié nos prévisions pour les indices actions au 30 juin qui pourraient s’inscrire en repli à cette date. En revanche, l’assouplissement des politiques monétaires à venir devrait leur permettre de rebondir et de progresser sensiblement en fin d’année. Compte tenu de nos nouvelles prévisions, le potentiel de hausse des indices serait d’environ 5% en 2024, ce qui correspond à une croissance des résultats raisonnable. Pour le moment, nous restons circonspects sur la possibilité des indices actions de dépasser les plus hauts récents et le contexte général nous conduit à maintenir une certaine prudence dans nos recommandations. Nous adoptons une position d’attente à Sous pondérer à court terme. Néanmoins, nous continuerons de renforcer le poids des actions dans les portefeuilles peu investis si des opportunités se présentent comme actuellement avec la baisse des derniers jours. Nous conservons notre position Neutre à moyen terme. Sur les produits obligataires, nous maintenons notre opinion Neutre à court et moyen terme. Nous serions prêts à remonter nos notes en cas de remontée des taux longs vers 4.50% aux Etats-Unis et 2.50% en Allemagne.

 

 

Les marchés financiers ont poursuivi leur progression au mois de décembre. Les taux d’intérêt à 10 ans ont encore reflué pour atteindre 3.80% aux Etats-Unis et effacer toute la hausse de l’année. En Allemagne, ils ont touché 1.90% contre 3% au plus haut de septembre, s’offrant même une baisse de 0.5% sur l’année. Ce contexte général a favorisé également les actions qui se sont inscrites en hausse, de 4% en moyenne, partout à l’exception du Japon et de la Chine.

Cette belle orientation des marchés est restée alimentée par l’évolution positive des prix et celle de la conjoncture, plus mitigée mais sans dégradation majeure. L’inflation continue à refluer généralement, quoique de manière inégale selon les pays et selon qu’on la considère globalement (Etats-Unis, Japon, Chine) ou hors alimentation et énergie (en zone euro). Cette tendance devrait se poursuivre, sans doute plus difficilement dans les prochains mois au regard d’effets de base moins favorables mais aussi d’une hausse du coût du travail qui tarde à s’assagir. Par ailleurs, les statistiques écoulées pour les mois d’octobre et novembre n’ont pas montré de changements notables. La croissance s’est maintenue aux Etats-Unis, en Inde et est restée atone voire légèrement négative en zone euro et au Brésil. Elle s’est modestement accrue en Chine. Tous ces éléments ont milité pour que le scénario d’atterrissage en douceur réussi garde la faveur des investisseurs.

 

Cette embellie va -t-elle se poursuivre, question que nous nous posions déjà le mois dernier ? C’est sans doute une question de temps. En premier lieu, la fin du cycle de resserrement monétaire semble confirmée, selon les derniers communiqués de la FED et de la BCE. De nouvelles hausses de taux sont moins probables. Inversement, 2024 devrait être l’année de leur décrue mais son point de départ et son ampleur restent incertains. Les marchés attendent 5 à 6 baisses de 0.25% débutant en mars/avril, les prévisions des Gouverneurs de la FED n’en indiquent que 3 sans donner de calendrier… En zone euro, où 3 à 4 baisses sont anticipées, la position de la BCE est encore moins claire. La résorption de cet écart de prévision sera immanquablement un élément de volatilité des marchés cette année. De plus, les derniers indicateurs avancés américains montrent une dégradation de l’activité des services en décembre qui associée à la faiblesse de l’industrie, rapprochent le pays de la stagnation. Dans le même temps, les données du marché du travail (qui constitue un indicateur retardé) témoignent toujours d’un dynamisme qui alimente une hausse des salaires qui ne faiblit pas (+4.8% sur un mois en rythme annualisé contre +4.2% en novembre) et qui dépasse le niveau de l’inflation. C’est précisément ce genre de situation qui peut ralentir le mouvement d’assouplissement monétaire des Banques centrales et par voie de conséquence continuer d’affaiblir l’évolution de l’activité. Sans surprise, les marchés financiers ont réagi négativement depuis une semaine, avec des indices actions en baisse et des taux longs qui remontent.

Cette incertitude sur la croissance, sur l’inflation et sur le rythme de la baisse des taux va vraisemblablement encore nous accompagner pendant plusieurs mois. Rappelons qu’historiquement, l’économie américaine n’est parvenue à échapper à une récession au sortir d’un cycle de resserrement monétaire de la Réserve fédérale qu’en de rares occasions. Par ailleurs, le passage de la croissance au ralentissement a souvent été plus brutal qu’attendu.

Si aujourd’hui, personne ne se risque à prévoir une année de croissance négative aux Etats-Unis ou en Europe, un passage à vide plus prononcé n’est pas exclu en cours d’année, plus probablement au 1er semestre. Si, en même temps, l’inflation ou la hausse des salaires prolonge le statu quo de la FED, les marchés peuvent s’en inquiéter. Leur émotion actuelle en témoigne. Elle est peut-être passagère à ce stade mais il est trop tôt pour se prononcer.

Outre ces trois facteurs d’incertitude, l’année 2024 peut nous réserver d’autres surprises défavorables que nous avons déjà évoquées par le passé.

La profitabilité des entreprises vient en première place, après une année 2023 où celles-ci ont globalement préservé leurs marges qui ont atteint des niveaux record. Cependant, moins de croissance et moins d’inflation devraient peser sur les capacités bénéficiaires. Les analystes ont d’ailleurs repris un cycle de révisions baissières de leurs estimations de résultats pour 2024. La croissance des profits attendue (+11.7% aux Etats-Unis, +5.9% en Europe) semble encore trop optimiste et elle serait menacée par un affaiblissement de l’activité plus fort qu’attendu. Celui-ci frapperait aussi les entreprises trop endettées dont les refinancements vont se faire à des niveaux de taux plus élevés en 2024. Le nombre de faillites peut s’accroitre et réduire d’autant les financements accordés par les banques, ce qui impactera la survie des entreprises mais aussi leur capacité d’investissement. Ces phénomènes déjà présents en 2023 n’avaient pas inquiété outre mesure les investisseurs. Qu’en sera-t-il en 2024 ?

Le même constat et la même question se posent pour l’environnement géopolitique. Hormis les relations américano-chinoises, en phase de léger réchauffement, les tensions ont augmenté pendant ces derniers mois. Au Moyen-Orient, l’extension du conflit entre le Hamas et Israël à la zone de la Mer Rouge pèse sur le trafic maritime et renchérit son coût. En Ukraine, aucun apaisement ne doit être attendu de la part du Président Poutine en année électorale. Le coût du conflit et du réarmement de l’Europe ne cesse d’augmenter et il n’est pas certain que l’intensification des bombardements russes ne soit suffisante pour débloquer les aides dont Kiev a besoin. Enfin, 2024 sera une année d’élections pour 40% de la population mondiale. Si une poussée des partis de droite nationalistes est très probable en Europe, les marchés s’en émouvraient beaucoup moins qu’une victoire de Donald Trump, qui pourrait chambouler l’état des relations avec la Chine, la Russie et l’Europe.

 

Etant donné les niveaux des indices et les valorisations relativement élevées qu’ils ont retrouvées face à des taux d’intérêt à 10 ans relativement bas, toute déception serait davantage sanctionnée qu’en 2023. Le retour d’une volatilité plus importante devrait marquer l’année 2024 tant que les principales sources d’ interrogation et d’incertitude n’auront pas disparu.

Nous excluons l’hypothèse d’une très forte correction sauf accident exogène majeur (climatique, géologique ou géopolitique) qui viendrait bousculer les prévisions économiques et financières. De surcroit, une dégradation économique naturelle plus forte devrait amener les Banques centrales à accélérer le rythme de leurs baisses de taux pour soutenir la croissance et éviter aux marchés financiers une chute trop importante.

 

En conclusion, nous n’avons pas modifié nos prévisions pour les indices actions au 30 juin qui pourraient s’inscrire en repli à cette date. En revanche, l’assouplissement des politiques monétaires au second semestre devrait leur permettre de rebondir et de progresser plus sensiblement en fin d’année. Au regard de nos nouvelles prévisions, le potentiel de hausse des indices serait d’environ 5% en 2024, ce qui correspond à une croissance des résultats que nous estimons plus raisonnable que celle attendue par le consensus.

 

A l’heure actuelle, nous restons circonspects sur la possibilité des indices actions de dépasser les plus hauts récents et le contexte général nous conduit à maintenir une certaine prudence dans nos recommandations. Nous adoptons une position d’attente Sous pondérer à court terme. Néanmoins, nous continuerons de renforcer le poids des actions dans les portefeuilles peu investis si des opportunités se présentent comme en ce moment avec la baisse des derniers jours. Nous conservons notre position Neutre à moyen terme. A cet horizon, nous préférons les actions américaines aux actions européennes et émergentes. De plus, nous dégradons à Sous-pondérer les actions japonaises qui pourraient souffrir d’une l’appréciation durable du Yen.

Nous maintenons notre opinion Neutre à court et moyen terme sur les produits obligataires. Compte tenu de l’amélioration des tendances des emprunts d’Etat, nous serions prêts à remonter nos notes en cas de prises de bénéfices sur ce compartiment. Comme la baisse des taux longs semble avoir été trop forte, nous guettons une remontée vers les niveaux de l’ordre de 4.50% aux Etats-Unis et de 2.50% en Allemagne pour l’envisager.

 

Lors de notre Comité d’Allocation d’Actifs de fin décembre, nous avons abaissé l’exposition en actions, sur toutes les zones à l’exception des pays émergents. Parallèlement, nous avons réduit le poids des produits de taux et remonté celui des sicav monétaires.

 

 

 

At last but not least, nous présentons à nos lecteurs tous nos Vœux de bonne et heureuse Année !

 

 

Vincent GUENZI
Directeur de la Stratégie d’Investissement
Achevé de rédiger le 8 janvier 2024 en collaboration avec Dorian FOULON