La stratégie d'investissement

juillet 2023

La résistance des marchés mise à mal par les Banques Centrales ?

Les indices boursiers ont conclu le mois de juin sur une note très positive grâce à une forte impulsion des marchés américains alors que les autres progressaient de manière plus mesurée notamment en Chine. Cette hausse est intervenue malgré des signes d’essoufflement de l’activité mondiale et des discours particulièrement fermes des Banques Centrales. Jusqu’à présent, les marchés obligataires étaient restés calmes, mais leur dégradation rapide ces derniers jours a entrainé les indices actions à la baisse. Simple remise à l’heure des pendules ou début de correction pour les actions après leur rallye? La hausse pourrait reprendre mais sous forme d’une simple reprise technique. Nous n’avons aucune raison de changer notre approche prudente et constructive à court terme : prudente compte tenu d’un risque de déception dans les prochains mois, constructive car il n’y a pas de raison de s’affoler et qu’il y a régulièrement des occasions à saisir en achetant des actions ayant trop baissé pour les portefeuilles moins investis. Les indices nous semblent présenter un potentiel de hausse limité au cours de l’été et un risque de baisse de 5 à 6% d’ici à la fin de l’année, même si ce scénario pourrait être encore repoussé dans le temps. Ceci justifie de ne toujours pas augmenter uniformément le poids des actions dans les portefeuilles. Nous restons confiants à moyen terme car la baisse des taux de la FED, lorsqu’elle se produira, pourrait marquer le début d’un nouveau cycle haussier aux Etats-Unis puis en Europe, après un dernier épisode de baisse qui interviendrait d’ici à la fin de l’année. Nous continuerons à profiter des épisodes d’incertitude et de repli plus marqué pour relever le poids des actions au sein des portefeuilles.

La croissance mondiale fait toujours preuve de résilience depuis le début de l’année ce qui surprend les économistes. Les prévisions sont ainsi revues en hausse pour 2023 mais elles sont abaissées pour 2024 ce qui traduit bien le report dans le temps d’un ralentissement attendu. De plus les statistiques économiques pour le mois de mai sont restées mitigées ou décevantes sauf aux Etats-Unis où l’activité est restée mieux orientée grâce à la consommation, aux services et au marché de l’emploi toujours dynamique. Les premiers signaux avancés laissent même poindre une amélioration en juin. L’activité en zone euro est beaucoup plus atone, proche de la stagnation dans de nombreux pays et sans signe de redressement. Au Japon ou en Inde, la croissance est plus soutenue depuis le début de l’année mais elle a semblé se modérer en juin. Enfin le rebond de la Chine semble faire long feu après quelques mois de reprise sensible. Ce contexte devenu hésitant invite donc à un attentiste prudent d’autant que d’autres facteurs plus négatifs apparaissent.

Jusqu’alors, les marchés obligataires anticipaient un ralentissement modéré de l’activité et un recul régulier de l’inflation, ce qui leur permettait d’espérer un changement d’attitude des Banques centrales, un arrêt des hausses de taux puis leurs baisses d’ici quelques trimestres. Or au cours du mois de juin, nous avons fait face à de multiples relèvements des taux d’intérêt directeurs dans les pays de l’OCDE ainsi qu’à un durcissement des discours des banquiers centraux. Pourtant, l’inflation a partout reculé assez sensiblement grâce à l’accalmie des prix de l’alimentation et de l’énergie. En revanche, l’inflation sous-jacente a baissé beaucoup plus modestement ou est remontée comme en zone euro. La forte activité dans les services et le marché de l’emploi toujours tendu semblent en effet favorables aux tensions salariales, ce qui entretient cette inflation hors alimentation et énergie. Ainsi la FED a clairement laissé entendre qu’une ou deux hausses de taux pourraient intervenir, après avoir fait une pause en juin. Pour l’instant, les anticipations se sont calées sur une seule hausse en juillet. Quant à la BCE, elle a également indiqué que la hausse des taux devait se poursuivre avec au moins deux hausses de taux, ce que les marchés ont intégré. Paradoxalement, au cours du mois, les taux à 2 ans sont remontés de 0.5%, s’ajustant à la nouvelle donne monétaire, mais les taux à 10 ans sont remontés beaucoup plus faiblement. Cet impact modéré a certainement contribué à la bonne tenue des marchés actions qui ont continué à croire au scénario de « soft-landing », avec un ralentissement modéré et une désinflation bénéfique.

Les choses se sont un peu dégradées ces derniers jours, à la suite de la publication, aux Etats-Unis, de l’indice ISM des services, en fort rebond, et d’un rapport sur l’emploi assez tonique avec une hausse des salaires horaires toujours soutenue (+4.4%) sur un an. Les taux à 10 ans se sont alors tendus davantage en sortant de leur zone de consolidation ce qui laisse penser qu’ils pourraient encore progresser. Cette tension s’est brutalement répercutée sur les marchés actions jeudi. Simple remise à l’heure des pendules ou début de correction pour les actions après leur rallye?

 

La réponse à cette question nécessite un retour sur le scénario le plus probable, celui d’un ralentissement très progressif de la croissance et la poursuite de la désinflation. C’est le meilleur pour les marchés obligataires et les actions. Comment peut-il être contrarié ? Par une activité trop forte (comme aux Etats-Unis), par une absence de ralentissement de la hausse des salaires ou de l’inflation de base, par une obstination des Banques centrales ou par des signaux de recul de l’activité plus clairs ou plus forts, toutes choses pouvant troubler la sérénité des marchés. Chacun de ces catalyseurs peut déclencher une correction plus ou moins durable. La baisse des derniers jours est un rappel à l’ordre.

Le potentiel de hausse ou de baisse des actions a-t-il évolué ? Même si la bonne tenue des indices actions permettait d’envisager une hausse supplémentaire mais temporaire de quelques pourcents, l’espérance de gain à six mois nous semblait faible ou négative, eu égard à la valorisation des actions qui s’était renchérie. Par ailleurs, les estimations de résultats des entreprises, autre facteur déterminant pour les actions, n’ont pas été sensiblement abaissées pour 2024. Elles l’ont été pour 2023, avec une croissance attendue très faible, mais pour 2024, celle-ci est encore estimée en progression de l’ordre de 7 à 10%. Cela peut paraitre élevé en regard de la croissance économique atone que devraient connaitre les pays développés l’année prochaine. Par ailleurs, si les sociétés ont publié jusqu’à présent des résultats jugés encore solides, c’est souvent grâce à une amélioration de leur marge bénéficiaire. Celle-ci provient en général de la maitrise des coûts ou de gains de productivité. Dans le cycle actuel, la hausse des prix de vente est venue améliorer les marges de nombreuses entreprises. La désinflation, qui est une bonne chose par ailleurs, pourrait donc dégrader les bénéfices des entreprises si elle était associée à une baisse des volumes à la suite d’un ralentissement de l’activité plus prononcé. Pour toutes ces raisons, les prochaines publications trimestrielles seront scrutées de près pour mesurer la confiance des entreprises et l’évolution de leurs perspectives. Elles seraient de nature à calmer ou, inversement, à accroitre le retour de l’anxiété des investisseurs mais il est peut-être encore un peu tôt dans ce cycle pour que les prévisions de bénéfices se dégradent…

 

En résumé, la hausse des actions pourrait reprendre mais sous forme d’une simple reprise technique à cause de la dégradation sur les taux à long terme, sur les politiques monétaires ou encore du maintien d’une incertitude sur l’inflation, sur l’activité ou sur les perspectives de résultats.

En conclusion, nous n’avons aucune raison de changer notre approche prudente et constructive à court terme : prudente compte tenu d’un risque de déception dans les prochains mois, constructive car il n’y a pas de raison de s’affoler et qu’il y a régulièrement des occasions à saisir en achetant des actions ayant trop baissé pour les portefeuilles moins investis.

 

Nous n’avons pas modifié nos objectifs pour les indices actions à fin décembre et nous les avons relevés pour la fin juin 2024. Les indices nous semblent présenter un potentiel de hausse limité au cours de l’été et un risque de baisse de 5 à 6% d’ici à la fin de l’année, même si ce scénario pourrait être encore repoussé dans le temps. Ceci justifie de ne toujours pas augmenter uniformément le poids des actions dans les portefeuilles.

 

Nous restons confiants à moyen terme car la baisse des taux de la FED, qui finira par arriver, pourrait marquer le début d’un nouveau cycle haussier aux Etats-Unis puis en Europe, après un épisode de baisse. Nous continuerons à profiter des épisodes d’incertitude et de repli plus marqué pour relever le poids des actions au sein des portefeuilles.

 

Nous gardons une opinion Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme sur les actions européennes, américaines et japonaises à la suite du relèvement de la note de ces dernières. Nous avons relevé à Neutre à moyen terme les actions d’Amérique Latine. Dans l’environnement actuel, une approche assez équilibrée entre actions et produits défensifs dans la construction des portefeuilles semble toujours appropriée. De même, une allocation sectorielle assez neutre entre styles et secteurs semble également adaptée.

L’amélioration du climat boursier en juin nous a amenés à relever les notes de nombreux secteurs à court et à moyen terme. Le nombre de secteurs surpondérés s’est donc accru et ceci accompagne la diffusion de la hausse qui est moins focalisée au sein des indices. Nous avons dégradé les notes de quelques secteurs dont les tendances étaient déjà mitigées.

Nous maintenons une opinion Neutre à court terme et Sous-pondérer à moyen terme sur les produits obligataires. Les produits de taux conservent une tendance globalement neutre à court terme et baissière à moyen terme, à l’exception des obligations convertibles ou à haut rendement qui sont mieux orientées. Nous conservons notre opinion sur les Sicav monétaire à Surpondérer, compte tenu de la remontée des rendements offerts.

Lors de notre Comité d’Allocation d’Actifs de fin juin, nous avons globalement maintenu l’exposition en actions. Nous avons légèrement réduit le poids des produits de taux (emprunts d’Etat) tout en remontant encore celui des liquidités et des produits de multi-stratégies.

Vincent GUENZI
Directeur de la Stratégie d’Investissement

Achevé de rédiger le 7 juillet 2023