La stratégie d'investissement

juillet 2020

Malgré un été incertain, la vue positive à moyen terme pour les actions est conservée.

Les marchés financiers viennent de connaitre trois mois de reprise et les statistiques publiées au mois de juin ont bien confirmé le rebond de l’activité dans les pays qui avaient été les premiers à être touchés par la pandémie. Tout semblerait indiquer que la récession mondiale la plus intense depuis 1929 sera probablement la plus courte.  Cependant, la reprise reste fragile et les facteurs qui la menacent sont multiples. Si l’ensemble des dispositifs de soutien devrait venir à bout des facteurs récessifs, la réponse est plus difficile quant à l’évolution et au rebond de la pandémie. Seule la découverte d’un vaccin ou d’un traitement achèvera de rétablir la confiance générale. Pour l’instant, les marchés financiers ont réussi à surmonter ces risques. Nous conservons une vue positive à moyen terme mais les marchés actions pourraient rester un peu hésitants à très court terme tant que la situation sanitaire ne s’apaise pas. Cependant, une poursuite des rotations sectorielle et géographique (Reste du Monde vs. Etats-Unis) pourrait favoriser les actions de la zone euro.

Les marchés financiers (actions, taux, crédit) viennent de connaitre trois mois de reprise alimentée par le triple effet positif des mesures extraordinaires de soutien à l’activité de tous les Etats, des assouplissements monétaires non moins importants de nombreuses Banques Centrales et enfin des espoirs de reprise de l’activité après les allègements des mesures de précaution sanitaire (confinements, fermeture des frontières). Les statistiques publiées au mois de juin ont bien confirmé le rebond de la consommation et de la production dans tous les pays qui avaient été les premiers à être touchés par la pandémie (Asie de l’Est, Europe, Etats-Unis). Ce rebond s’accompagne d’autres phénomènes habituellement observés en fin de récession comme l’amorce de la baisse du chômage, la hausse des matières premières industrielles, la réorientation des investisseurs vers des actions de sociétés cycliques, etc…

Ainsi tout semblerait indiquer que la récession mondiale la plus intense depuis 1929 sera probablement la plus courte. C’est certainement vrai au sens strict du terme puisque de nombreux pays seront en croissance après un ou deux trimestres consécutifs de recul de leur activité. Cependant le repli devrait être si important au cours de l’année 2020 (-5.6% aux Etats-Unis, -8% en zone euro, -4.9% au Japon, -3.7% pour l’ensemble du Monde, selon les dernières estimations du consensus) qu’il faudra plus d’un an pour retrouver les niveaux d’activité de 2019. De plus, le rythme et la durée de la reprise restent fragiles, comme l’ont souligné Banques Centrales et divers organismes internationaux tels le FMI.

Les facteurs qui menacent la reprise sont multiples. En premier lieu figure une perte de confiance durable des consommateurs et des entreprises qui s’accompagnerait d’un important chômage persistant et d’un nombre élevé de faillites. Pour lutter contre ce risque, les Etats devraient continuer à soutenir l’activité. C’est pourquoi le projet de relance mutualisé européen de 750 milliards (5% du PIB) finira par être adopté, y compris par les pays les plus réticents. Il est vital pour l’Union Européenne qui n’a pas d’autres choix. Aux Etats-Unis, Donald Trump a évoqué en juin un plan supplémentaire de 1000 milliards de $ (6% du PIB), axé vraisemblablement sur les infrastructures. Au Congrès, démocrates et républicains ont des projets similaires. Ces mesures viendront s’ajouter à toutes celles mises en place depuis plusieurs mois dans le Monde entier qui doivent représenter pas loin de 10% du PIB des pays développés (soutiens, prêts garantis, dépenses publiques…) sans compter les baisses des taux des Banques Centrales et les liquidités déployées par celles-ci pour rétablir le bon fonctionnement des marchés qui financent l’économieL’ensemble de ces dispositifs, qui ne sont pas encore achevés, devraient venir à bout des facteurs récessifs que nous avons mentionnés.

Le second risque, celui d’une reprise de l’épidémie de COVID-19, serait-il de nature à réduire tout ou partie des effets positifs des mesures de soutien ? La réponse est difficile.

Le rebond de la contagion dans plusieurs Etats américains, dans certains pays d’Europe (Portugal, Espagne) et l’instauration de nouvelles mesures de confinement et de restriction parait inquiétant, ainsi que le développement de la pandémie au Brésil ou en Inde. Concernant ces pays ou l’Afrique, il faut cependant distinguer les graves conséquences en termes de mortalité et les impacts économiques pour la croissance mondiale qui seront limités du fait de la taille relative de ces économies. En ce qui concerne les Etats-Unis, il faut observer que la reprise de la contagion touche les Etats qui ont été les plus laxistes en termes de mesures sanitaires.

L’adoption de mesures de quarantaine entre Etats, de confinements et de fermetures localisés devrait permettre de maitriser à nouveau la contagion comme dans les Etats du Nord-Est. Il en est de même en Europe, où tous les pays sont mieux préparés à affronter l’épidémie. Les précautions sanitaires sont connues et acceptées par les populations, les masques et les tests sont disponibles et les systèmes de santé ont déjà connu leur baptême du feu. Parallèlement, les traitements du COVID-19 sont un peu plus efficaces. Enfin, si aucun vaccin n’est disponible, de nombreux essais sont en cours et au vu des milliards injectés dans la recherche, il n’y a pas de raison de douter de leur disponibilité d’ici fin 2020 ou mi-2021, ce qui achèverait de rétablir la confiance générale. D’ici là, les Gouvernements devront arbitrer entre santé publique et survie de l’économie et ils peuvent être réticents à adopter de nouvelles mesures de confinement généralisé, trop pénalisantes pour nos économies et qui sont peut-être moins nécessaires.

Pour l’instant, les marchés financiers ont réussi à surmonter ces risques. Mais, comme la valorisation des actions ou des obligations privées s’est fortement redressée, la probabilité d’une consolidation plus forte qu’au mois de juin (environ -6% pour les indices actions en une semaine) a augmenté. A l’inverse, les indices actions restent prompts à remonter à chaque bonne nouvelle (vaccin, traitement, annonce du plan de relance européen). De plus, les analystes financiers révisent de moins en moins à la baisse les résultats des entreprises. Cela constitue un support pour les marchés actions. L’ouverture de la période des publications de résultats trimestriels apportera de nouveaux éclairages en la matière.

Un autre facteur de risque est apparu avec l’avance de Joe Biden dans les sondages réalisés pour l’élection présidentielle américaine. Son programme inclut un relèvement du taux de taxation des bénéfices des sociétés de 21% à 28% qui pourrait peser de l’ordre de 10% sur les résultats dans les indices. Pour cela, les Démocrates doivent également remporter la majorité au Sénat. Il est un peu tôt pour se préoccuper de ce risque qui pourrait cependant amener les investisseurs à se détourner partiellement des actions américaines au profit des actions européennes ou émergentes. Enfin, l’affaiblissement de Donald Trump semble le rendre plus agressif avec des adversaires extérieurs et il n’est pas exclus que les tensions se durcissent avec la Chine ou l’Europe dans les contentieux commerciaux et géopolitiques. Comme les événements intervenus depuis 3 ans nous le montrent, ce type d’inquiétude, souvent passager, donne plutôt des occasions d’achat.

En conclusion, nous conservons une vue positive à moyen terme et recommandons de maintenir une exposition en actions équilibrée. Il nous semble que les marchés pourraient rester un peu hésitants à très court terme tant que la situation sanitaire ne s’apaise pas, notamment en Amérique du Nord. Mais le risque de fort retour en arrière nous parait également limité compte tenu de l’ampleur des soutiens publics et de l’attractivité à moyen terme des actions face aux très faibles rendements des obligations. Par ailleurs, il ne faut pas exclure une poursuite des rotations tant sectorielle (cycliques vs. non cycliques) que géographique (Reste du Monde vs. Etats-Unis) qui pourraient favoriser les actions de la zone euro.

Nous avons introduit nos objectifs sur les indices à fin juin 2021 et avons peu modifié ceux-ci pour fin 2020. Le courant haussier actuel pourrait porter les indices un peu plus haut durant l’été en fonction des évolutions de la situation sanitaire et des décisions de l’Union européenne dont les dirigeants se réunissent les 16 et 17 juillet. Si l’automne n’amène pas de changements radicaux aux Etats-Unis, le potentiel pour la fin de l’année serait d’environ 8 à 10% en Europe, moins aux Etats-Unis et au Japon.

Nous maintenons nos recommandations globales sur les actions, Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme. A court terme, nous continuons à surpondérer les actions américaines (en partie couvertes du risque de change) et conservons à Neutre les actions européennes. Une réduction de l’écart de pondérations entre les deux zones peut être envisagée pour accompagner le changement de perception des investisseurs vis-à-vis de la zone euro.

Nous avons encore ajouté un peu de cyclicité et de sensibilité à court terme dans nos recommandations sectorielles (voir page 14).

Nous conservons notre opinion Neutre à court terme et Sous-pondérer à moyen terme sur les produits obligataires. Nous privilégions les emprunts d’Etat d’Europe du Sud, le crédit européen Investment Grade et à haut rendement.

Lors de notre Comité d’Allocation d’actifs fin juin, nous avons décidé de relever le poids des actions américaines et européennes au détriment des actions émergentes et des produits monétaires. Dans la catégorie des produits de taux, nous avons remonté le poids des multi-stratégies, des emprunts d’Etat d’Europe du Sud et des taux variables ou indexés.

Vincent GUENZI

Directeur de la Stratégie d’Investissement

Achevé de rédiger le 6 juillet 2020.