La stratégie d'investissement

novembre 2023

Le changement de scénario des Banques centrales enfin en vue ?

Les marchés financiers ont été parcourus par les mêmes inquiétudes qu’au mois de septembre pendant plusieurs semaines : rigueur des Banques centrales face à l’inflation, hausse des taux longs, nouvelles économiques mitigées, risque géopolitique au Proche-Orient. La correction s’est donc poursuivie sur les marchés obligataires et sur les Bourses. Les réunions de la BCE et de la FED, en fin de mois, ont permis de stabiliser les marchés. Puis les données économiques américaines décevantes de ces derniers jours ont permis aux investisseurs de se rassurer sur l’arrêt de la hausse des taux directeurs aux Etats-Unis et même d’espérer un assouplissement plus rapide. Dans ces conditions, les marchés ont effacé en quelques jours une grande partie de la correction récente sur les taux et sur les actions. Peut-on en déduire dès maintenant que ces corrections sont bien terminées ? Nous restons encore un peu hésitants tout en reconnaissant un début d’amélioration de l’environnement général. Ceci nous amène à être plus confiants sur les produits de taux, emprunts d’Etat ou crédit de bonne qualité. Quant au potentiel d’appréciation des indices actions à court terme, aux niveaux actuels, nous restons circonspects mais nous sommes moins inquiets qu’au mois précédent compte tenu de la correction déjà intervenue. Il est possible que la hausse des actions se poursuivre encore quelques mois mais cela nous semble trop aléatoire pour acheter maintenant. En revanche, les points bas des dernières semaines ont permis de renforcer le poids des actions dans les portefeuilles peu investis ce que nous continuerons à faire si l’occasion se représente.

 

 

Les marchés financiers ont été parcourus par les mêmes inquiétudes qu’au mois de septembre pendant plusieurs semaines : rigueur des Banques centrales face à l’inflation, hausse des taux longs, nouvelles économiques mitigées, risque géopolitique au Proche-Orient. La correction s’est donc poursuivie sur les marchés obligataires et sur les Bourses. Les taux à 10 ans ont atteint 5% aux Etats-Unis et 3 % en Allemagne alors que les indices actions perdaient 6% en moyenne pour atteindre de nouveaux points bas depuis l’été, proches de ceux atteints au printemps. Sur ces niveaux, la baisse cumulée des derniers mois atteignait environ 10% et les marchés de taux et d’actions touchaient également des supports techniques importants. Les réunions de la BCE, le 26 octobre, et de la FED, le 1er novembre, au cours desquelles le statu quo monétaire a été confirmé, ont permis de stabiliser les marchés qui ont apprécié de surcroit le discours prudent du président de la FED. En effet, celui-ci a reconnu les progrès en matière de désinflation et les effets négatifs des conditions financières sévères que l’activité commençait à ressentir. Dans ces conditions, une autre hausse des taux directeurs, toujours possible en cas de déception sur l’inflation, ne serait pas adoptée à la légère. Concrètement, cela signifie que la FED devient plus attentive au risque d’erreur de politique monétaire et prendrait soin de ne pas faire « la hausse de trop » pouvant provoquer une récession. C’est précisément ce que craignaient les marchés depuis plusieurs mois d’où leur soulagement.

Effectivement, les signaux économiques ont continué à être décevants durant le mois. En Europe, l’activité a reculé au 3ème trimestre après un rebond au 2ème et les derniers indicateurs avancés se sont dégradés à nouveau. Au Japon, où la croissance a été probablement meilleure au 3ème trimestre, les indices avancés ont fait état d’une contraction sensible en octobre, amenant d’ailleurs le Gouvernement a annoncé un plan de soutien pluriannuel important représentant 3% du PIB. Enfin, la Chine, n’a pas échappé aux mauvaises nouvelles, le ralentissement de la croissance au 3ème trimestre se transformant en stagnation au mois d’octobre. Seuls les Etats-Unis échappaient encore à cette fatalité, les données publiées pour septembre au cours du mois faisant toujours état de cette résilience extraordinaire de l’économie et des consommateurs du pays. Revers de la médaille, c’est précisément cette résilience qui faisait craindre une certaine résistance de l’inflation et une rigueur excessive de la FED.

La donne a changé dans les premiers jours du mois de novembre. Les données du marché du travail publiées le 3 novembre ont fait état de créations d’emploi en recul et beaucoup plus faibles qu’attendues ainsi que d’une hausse du taux de chômage à 3.9%. Ce signal permettait enfin aux investisseurs de se rassurer sur l’arrêt de la hausse des taux directeurs aux Etats-Unis et même d’espérer un assouplissement plus rapide : c’était le retour du scénario de soft-landing réussi ! Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les marchés aient effacé en quelques jours une grande partie de la correction récente sur les taux et sur les actions. Peut-on en déduire dès maintenant que ces corrections sont bien terminées ?

Nous restons encore un peu hésitants tout en reconnaissant un début d’amélioration de l’environnement général.

Parmi les points positifs objectifs, le changement d’attitude de la FED est rassurant. Il en est de même pour les taux obligataires où le Trésor américain a annoncé une réduction du volume des émissions d’emprunt. Tout ceci conjugué au ralentissement de l’inflation pourrait signifier l’arrêt de la progression continue des taux obligataires. Le niveau atteint (à 5% sur l’emprunt à 10 ans américain et 3% sur l’allemand) pourrait constituer le plafond pour les prochains trimestres. Ainsi, nous pourrions être plus confiants dorénavant sur les produits de taux, emprunts d’Etat ou crédit de bonne qualité, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, produits dont les performances laissaient encore à désirer face aux produits de trésorerie.

En revanche, il nous semble imprudent d’escompter une dégradation rapide des perspectives de l’activité américaine sur la seule base des derniers chiffres de l’emploi qui ont toujours été particulièrement volatils. Une rechute du taux de chômage pourrait relancer les interrogations sur la réussite du soft landing ou sur un maintien plus durable des taux directeurs au niveau actuel. Dans le reste du Monde, à l’inverse, il nous semble prématuré d’espérer un prochain rebond de l’activité. Il faut aussi noter que les publications des résultats du 3ème trimestre des entreprises, plutôt satisfaisantes aux Etats-Unis et décevantes en Europe, ont été assorties de commentaires assez prudents sur les perspectives. Ceci a provoqué en réaction des chutes parfois brutales des actions auxquelles nous n’étions plus habitués. De plus, les analystes financiers ont révisé en baisse leurs estimations de bénéfices pour 2023 et 2024, interrompant la séquence positive des derniers mois. Ceci nous ramène aux questions sur l’évolution des marges des entreprises face au recul de l’inflation qui limiterait la progression des chiffres d’affaires. La progression des bénéfices attendus pour 2024 aux Etats-Unis (+12%) et en Europe (+6%) parait ainsi toujours un peu optimiste. Parallèlement, la valorisation des indices boursiers s’est redressée très rapidement.

En conclusion, aux niveaux actuels, nous restons circonspects sur le potentiel d’appréciation des indices actions à court terme mais nous sommes moins inquiets qu’au mois précédent compte tenu de la correction déjà intervenue. Il est certes possible que la hausse des actions se poursuivre encore quelques mois mais cela nous semble trop aléatoire pour acheter maintenant et nous n’avons pas modifié nos prévisions pour les indices.

En revanche, les points bas des dernières semaines ont permis de renforcer le poids des actions dans les portefeuilles peu investis ce que nous continuerons à faire si l’occasion se représente.

Le contexte général nous conduit donc à maintenir une certaine prudence dans nos recommandations. Nous gardons une opinion Neutre à court terme sur les actions européennes, américaines et japonaises. Nous restons plus confiants à moyen terme où nous surpondérerons les actions américaines et japonaises. Nous maintenons également une opinion neutre à court et à moyen terme sur les actions d’Asie et d’Amérique Latine.

Nous maintenons notre opinion Neutre à court terme sur les produits obligataires et la relevons à Neutre à moyen terme, ce que nous faisons parallèlement sur les emprunts d’Etat américains et européens. Nous ramenons notre note sur les Sicav monétaires à Neutre.

Lors de notre Comité d’Allocation d’Actifs de fin octobre, nous avons augmenté l’exposition en actions, essentiellement sur les Etats-Unis et l’Europe. Nous avons légèrement allégé les actions japonaises. Nous avons augmenté le poids des produits de taux et abaissé celui des liquidités (sicav monétaire).

Vincent GUENZI

Directeur de la Stratégie d’Investissement

Achevé de rédiger le 8 novembre 2023