La stratégie d'investissement

février 2020

La peur est-elle mauvaise conseillère ? Comment réagir face à l’épidémie de coronavirus.

Après une année 2019 très positive, les marchés financiers avaient débuté 2020 sur le même rythme. Ignorant les premières mauvaises nouvelles qui ont surgi en janvier, ils ont surfé sur les attentes de croissance économique plus forte et de résultats de sociétés en hausse sensible. Mais au bout de quelques semaines, l’épidémie de coronavirus apparue en Chine est venue compromettre ces hypothèses. Faut-il vraiment s’en inquiéter ? Sans nier l’impact réel de cette épidémie, nous estimons qu’elle ne prendra pas de proportion démesurée et que nous pouvons maintenir un scénario raisonnablement confiant pour les marchés financiers. Cet épisode permet également de valider à nouveau notre position plutôt équilibrée sur les actifs risqués. Cela nous aide à rester plus sereins, prêts à saisir les opportunités qui se présentent.

Les sujets de doute n’ont pas manqué en janvier, une fois de plus. Les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran ont connu une escalade brutale mais heureusement passagère, chaque partie préférant jouer rapidement une certaine forme d’apaisement. En Italie, la démission de Luigi di Maio de la direction du parti 5 Etoiles a temporairement ému les observateurs à l’approche d’un scrutin régional en Emilie Romagne qui aurait pu voir la victoire de la Ligue de Matteo Salvini. C’est finalement le Parti Démocrate qui l’a emporté. L’Espagne s’est dotée d’un gouvernement de coalition un peu radical dirigé par un socialiste. Le feuilleton de la destitution de Donald Trump s’est finalement conclu par son acquittement et il n’a pas facilité pour l’instant l’émergence d’un candidat démocrate solide. Enfin, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a mis fin à des mois d’enlisement sans faire disparaitre totalement le risque de Hard Brexit en cas de non-signature de nouveaux accords commerciaux au 31 décembre prochain. Mais tous ces évènements n’ont pas pesé lourd face à la signature du 1er accord commercial sino-américain le 15 janvier et au soulagement qu’il a procuré. Les espoirs de reprise de l’activité devenaient une perspective réaliste et cela a permis aux indices actions de progresser sensiblement pendant quelques semaines.

Ce faisant, ils établissaient de nouveaux plus hauts mais ils retrouvaient aussi les valorisations élevées (mais pas exubérantes) qu’ils avaient connues en janvier 2018 avant de se replier alors brutalement.

 

La découverte de l’épidémie de coronavirus en Chine avait donc un terreau fertile pour provoquer une correction. Nous avons tous été frappés par les mesures exceptionnelles de restriction des déplacements, la prolongation des congés du Nouvel An chinois, la suspension des liaisons aériennes, les fermetures de frontières, etc… Toutes ces décisions, sans doute nécessaires pour endiguer l’épidémie, ont un effet négatif sur l’activité économique. L’OMS a annoncé, jeudi 6 février, que le nombre de nouveaux cas d’infection en un jour avait commencé à baisser en Chine. Il est trop tôt pour crier victoire, d’autant que l’épidémie touche d’autres pays, parfois moins bien organisés. Mais il semblerait que, même si cette épidémie est plus forte qu’en 2003, sa propagation sera endiguée plutôt en quelques semaines qu’en quelques mois. L’impact économique est indéniable. Il a été estimé à quelques dixièmes de pourcent sur la croissance chinoise, américaine ou européenne. Bien entendu, il aura des conséquences très inégales selon les pays et les secteurs d’activité (comme le tourisme ou le luxe). Mais il est encore impossible de le quantifier très précisément tant que l’activité n’a pas repris en Chine et que le risque de rupture des chaines d’approvisionnement demeure. Comme la mondialisation a rendu toutes les économies interdépendantes, les effets de boule de neige ne seront pas anodins mais ils devraient rester limités et gérables en cas de retour à la normale dans les prochaines semaines.

La baisse des marchés qui a atteint 3 à 5% dans les pays développés et entre 7 et 12% dans les pays émergents parait donc largement justifiée. Elle aurait pu être plus forte si les investisseurs n’avaient pas anticipé aussi rapidement que l’épidémie commencerait à être sous contrôle. Mais, la stabilisation des marchés et leur rebond se sont aussi appuyés sur d’autres facteurs positifs tangibles.

 

L’analyse des statistiques économiques publiées en janvier conforte l’idée que la dégradation du secteur industriel arrivait à son terme, même si la contraction de cette activité se poursuit dans quelques pays. Parallèlement, les activités de services continuent à progresser plus largement, notamment grâce à la consommation des ménages, ce qui permet aux indicateurs mondiaux de se redresser.

Certes, quelques pays connaissent toujours une tendance moins favorable, comme la Chine, l’Espagne ou la France impactée par les grèves. De plus, il est presque certain que l’épidémie de coronavirus ralentira l’amélioration en cours.

Les entreprises, qui ont commencé à publier leurs résultats du 4ème trimestre, ont dépassé les attentes des analystes financiers et ont parfois relevé leurs prévisions pour l’année 2020. Les réactions des titres concernés ont été plutôt positives et cela a contribué à soutenir les marchés boursiers.

Par ailleurs, les Banques Centrales ont toutes réaffirmé leurs politiques monétaires très accommodantes et les liquidités restent très abondantes. La Banque de Chine a également baissé ses taux à court terme et injecté des liquidités dans son système bancaire à la réouverture de ses marchés financiers. Comme les craintes pour la croissance ont fait retomber temporairement les taux d’intérêt obligataires au niveau du mois d’octobre dernier, les actions ont aussi bénéficié de la moindre attractivité de ces placements défensifs.

Enfin, des plans de relance importants avaient été annoncés afin de soutenir l’activité au Japon et de développer les infrastructures en Inde. Ainsi, gouvernements et banques centrales, y compris en Europe et aux Etats-Unis restent vigilants et prêts à intervenir, ce qui rassure les investisseurs.

Globalement, nous maintenons notre scénario assez positif de ré-accélération modérée de l’activité mondiale même si celui-ci peut être légèrement révisé en baisse ou décalé dans le temps. Mais, de manière générale, les interruptions d’activité, en cas d’épidémie ou de catastrophes naturelles sont toujours suivies d’un rattrapage.

Nous avons encore relevé nos objectifs sur les indices et nous les avons avancés de décembre à juin 2020. Ils nous semblent encore conservateurs. Après le rebond de ces derniers jours, le potentiel de hausse à 6 et 12 mois s’est réduit. A très court terme, il nous semble prématuré de relever davantage nos objectifs. Si le momentum économique continue à s’améliorer avec à la clé un relèvement des estimations de résultats, les indices pourraient progresser plus sensiblement dans l’année (+5 à 10%). A contrario, les élections présidentielles américaines réduisent pour l’instant la visibilité au second semestre.

 

Aujourd’hui, les grands indices boursiers sont quasiment revenus au niveau d’avant la correction ou l’ont dépassé. Le repli a permis aux investisseurs qui attendaient cette occasion d’acheter des titres en baisse. Mais il nous semble préférable de ne plus renforcer le poids des actions, sauf cas exceptionnel. Par exemple, certaines valeurs peuvent en effet connaitre des replis importants lors de la publication de leurs résultats alors que leurs perspectives restent assez favorables. Plus globalement, nous conseillons d’attendre plutôt de meilleures opportunités pour procéder à des achats, tant que la situation en Chine ne s’est pas améliorée et que la reprise générale de l’activité n’est pas intervenue.

 

Nous maintenons nos recommandations globales sur les actions, Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme. Nous conservons nos préférences à moyen terme pour les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie hors Japon. Nous surpondérons tactiquement les actions américaines au détriment des actions européennes plus sensibles aux risques actuels.

 

Nous avons procédé aux ajustements sectoriels suivants : relèvement des notes à court terme pour les Biens de Consommation non cycliques, l’Agro-alimentaire et les Media, abaissement de celles de la Chimie, de la Construction & Matériaux, du Tourisme & Loisirs et des Produits de Base. A moyen terme, nous avons relevé la note des Services Publics.

Nous conservons notre opinion Neutre à court terme et Sous-pondérer à moyen terme sur les produits obligataires. Parmi les produits de taux, nous continuons à préférer les obligations émergentes, le crédit européen à haut rendement ou les obligations bancaires.

 

Lors du Comité d’Allocation d’Actifs de fin janvier, nous avons légèrement abaissé le poids des actions, en relevant celui de actions américaines au détriment des européennes et émergentes. En contrepartie, nous avons remonté le poids des produits de taux, tout en réduisant celui des liquidités.

Vincent GUENZI

Directeur de la Stratégie d’Investissement

Achevé de rédiger le 7 février 2020.