La stratégie d'investissement

mai 2021

Il est temps de procéder à des allégements tactiques et progressifs des positions actions

Les Bourses mondiales ont enregistré une nouvelle progression, plus modérée qu’en mars et moins homogène. Les produits de taux enregistrent des baisses sur le mois et depuis le début de l’année. La croissance mondiale reste tirée par les locomotives américaine et chinoise. L’Europe devrait voir son rythme de croissance accélérer prochainement. Cette franche reprise sera le produit des vaccinations, mais aussi des plans de relance et des mesures de soutien des Gouvernements qui vont perdurer. Les Etats seront aidés dans cette mission par le maintien des politiques monétaires durablement accommodantes des Banques Centrales. Le cycle économique devrait se poursuivre plusieurs années pendant lesquelles les indices actions poursuivront leur avancée à un rythme dorénavant plus faible. Les perspectives restent donc favorables aux actions et moins aux produits obligataires. Nous maintenons notre opinion Surpondérer sur les actions, à court et à moyen terme. A ce jour, le potentiel de hausse des indices pour la fin d’année n’est que d’environ 1 à 2%. La situation technique des marchés nous semble tendue, l’optimisme est de rigueur, de nombreux obstacles sont connus mais les investisseurs préfèrent les ignorer. Si l’un d’eux apparaissait, une brusque montée de la volatilité pourrait engendrer une correction passagère de 5 à 10%. Face à ce risque de repli au cours des prochaines semaines, nous suggérons de prendre quelques bénéfices et de procéder à des allégements tactiques et progressifs des positions actions.

Les Bourses mondiales ont enregistré une nouvelle progression. Elle a été plus modérée qu’au mois de mars et moins homogène. Les progrès des campagnes de vaccination et les attentes de prochaine réouverture des économies américaines et européennes ont favorisé les actions de ces pays. A l’inverse, le Japon qui a décrété un nouvel état d’urgence sanitaire a vu ses indices boursiers se replier. Les performances des indices émergents ont été mitigées et parfois négatives notamment dans les pays où la pandémie s’est amplifiée récemment comme en Inde. Sur les marchés obligataires, les taux longs se sont encore effrités aux Etats-Unis mais ils ont plutôt remonté dans les autres pays développés, provoquant un repli assez général du dollar, une hausse de l’Euro et une faiblesse des devises émergentes. Dans ce contexte, les produits de taux enregistrent des baisses sur le mois et depuis le début de l’année.

 

La croissance mondiale reste tirée par les locomotives américaine et chinoise, ces deux pays ayant sans doute atteint ou dépassé le point d’intensité maximale de la reprise. En revanche, l’Europe, qui est restée en récession au 1er trimestre, devrait voir son rythme de croissance accélérer prochainement dans les pays qui commencent à annoncer des allègements des restrictions comme le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne ou la France. Les pays émergents présentent une situation très variable selon l’avancement des vaccinations ou la prolifération de l’épidémie. Si l’objectif de vaccination minimale dans les pays développés est atteint au cours de l’été ou au début de l’automne, il est permis d’espérer que le surplus de vaccins produits pourra être adressé vers les grands pays émergents. Leur retard dans la reprise économique pourrait alors se résorber vers la fin du second semestre.

La croissance mondiale retrouverait alors un rythme plus synchronisé avec moins de déséquilibres régionaux.

 

Cette franche reprise sera le produit des vaccinations, certes, mais aussi des plans de relance et des mesures de soutien des Gouvernements qui vont durer tant que des secteurs entiers de l’activité économique en auront besoin. Quel serait l’intérêt de laisser des faillites survenir en cascade après avoir subventionné entreprises et ménages ? Les Gouvernements auront certainement tous une approche pragmatique et progressive de réduction des aides en fonction des progrès enregistrés dans leur pays. Ceci n’empêchera pas des faillites et des licenciements inéluctables mais la croissance et l’emploi seront globalement préservés.

Les Etats seront aidés dans cette mission par le maintien des politiques monétaires durablement accommodantes des Banques Centrales. Bien entendu, il faudra bien qu’un jour, celles-ci commencent à réduire les injections de liquidités puis à remonter les taux d’intérêt. La FED commencera probablement la première étape en fin d’année, suivie sans doute par la Banque d’Angleterre et ensuite la BCE.

La véritable remontée des taux directeurs n’interviendra qu’à la faveur du retour au plein emploi aux Etats-Unis (mesuré de manière large) et après avoir laissé l’inflation s’établir durablement à 2%, selon les prévisions de la FED.

C’est pourquoi, il faut s’attendre à ce que le cycle économique se poursuive plusieurs années, comme ce fut le cas après les récessions majeures du passé. Les entreprises profiteront de ce contexte et leurs résultats vont se redresser également. Après une année 2021 de progression exceptionnelle, où les analystes ne cessent de relever leurs prévisions, la croissance des profits va continuer en se normalisant progressivement. Ce mouvement devrait permettre aux indices actions de poursuivre leur avancée, même si les multiples de valorisation commencent à baisser. Mais après une remontée des indices aussi exceptionnelle en 12 mois, il serait logique que le rythme de hausse soit plus faible dans les prochaines années.

 

A moyen terme, les perspectives restent donc favorables aux actions et moins aux produits obligataires. Les investisseurs particuliers et institutionnels ont commencé à réduire le poids des liquidités en faveur des actions. Le phénomène est beaucoup plus avancé aux Etats-Unis qu’en Europe, mais il est loin d’être terminé au vu de l’épargne liquide très importante que les ménages et les entreprises ont accumulée au cours de la crise.

Il est vraisemblable que les indices actions finissent l’année plus haut qu’aujourd’hui mais leur parcours ne peut pas se faire indéfiniment en ligne droite. Quels sont les obstacles qu’ils peuvent rencontrer sur leur trajectoire? Ils sont de nature économique, financière et géopolitique.

 

Un retour en récession à ce stade du cycle est improbable, sauf choc exogène. En revanche, le rythme de la croissance pourrait s’infléchir légèrement comme les derniers indices ISM américains le suggèrent. Mais cela nous semble insuffisant pour provoquer une correction des indices sauf s’ils étaient beaucoup plus hauts. Les difficultés d’approvisionnement en composants électroniques ou la hausse des prix des matières premières peuvent-ils casser la reprise. Non, mais cela va peser sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées et sur leurs marges. C’est suffisant pour faire réagir les indices si les alertes de ce genre se multipliaient. Nous considérons néanmoins que ces difficultés seront passagères car elles proviennent en partie de la désorganisation issue de la pandémie qui va se résorber. De plus, face à une forte demande, les entreprises reprendront les investissements qu’elles avaient laissés en sommeil, investissements qui permettront d’ailleurs de maintenir ou de redresser aussi leurs marges.

La hausse des taux longs serait un écueil plus dangereux. Les marchés obligataires sont indépendants des Banques Centrales et ils peuvent évoluer très rapidement comme le début de l’année nous l’a montré. La période cruciale est devant nous, de mai à juillet, car les chiffres d’inflation seront les plus élevés par comparaison avec l’année dernière. Les investisseurs en sont conscients mais il ne faut pas exclure un dérapage de l’inflation hors alimentation et énergie (au-delà de 3% par exemple) qui, s’il se reproduisait plusieurs fois, finirait par faire douter les marchés financiers de la patience et des intentions très mesurées de la FED quant au relèvement de ses taux.

Mais si la hausse des taux longs américains reste modérée et progressive, et n’excède pas 0,75% supplémentaire, les marchés actions pourraient la supporter car la prime de risque des actions est encore suffisante.

A ce stade, il faut signaler que si les indices actions sont chers, leur valorisation n’est pas excessive globalement. Par contre, les valeurs à forte croissance, que l’on trouve dans la Technologie, les Biotechnologies ou la transition énergétique par exemple, sont particulièrement vulnérables à la hausse des taux d’intérêt. Compte tenu de leur poids dans les indices américains, c’est un point faible à surveiller. Les réactions plutôt mitigées des investisseurs aux très bonnes publications de résultats du 1er trimestre montrent qu’ils commencent à se préoccuper du prix atteint par les titres les plus en vogue et les plus chers.

La politique économique américaine évolue à grande vitesse sous Joe Biden. Les marchés ont plutôt apprécié le premier plan de soutien, sans hausse de la fiscalité, puis le plan pluri- annuel de relance des infrastructures, financé par une remontée du taux d’imposition des entreprises à 28% et un impôt « mondial » minimal. En réalité, les investisseurs tablent sur de longues négociations pour aboutir aux projets définitifs. Le pire n’est jamais sûr ! Lors de la diffusion de l’information sur la hausse de la fiscalité des hauts revenus et de la taxation des plus-values boursières pour financer le dernier plan social de Joe Biden, les marchés s’en sont émus, l’espace d’une journée seulement, pour les mêmes raisons. Les projets de réglementation ou de concurrence renforcée qui toucheraient les grands groupes technologiques obéissent aux mêmes logiques boursières, pour l’instant. Enfin, la politique étrangère des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine, de la Russie ou de l’Iran, pourrait donner ultérieurement d’autres motifs de correction aux marchés financiers.

Nous savons combien il est difficile d’anticiper les retours en arrière des marchés financiers surtout quand l’abondance des liquidités ou le contexte général les rendent résilients, comme c’est le cas depuis 5 mois. Cependant, les indices ont dépassé ou atteint nos précédents objectifs assez conservateurs pour juin et décembre. Ils se rapprochent rapidement de nos prévisions à 12 mois. Nous les avons maintenues pour juin et relevées pour décembre 2021 sur les indices américains et européens. Nous les avons légèrement abaissées à nouveau sur le NikkeiLe potentiel de hausse des indices pour la fin d’année n’est que d’environ 1 à 2% pour l’instant mais nous serons vraisemblablement amenés à relever ultérieurement nos objectifs.

A court terme, la situation technique des marchés nous semble tendue, l’optimisme est de rigueur, les obstacles mentionnés plus haut sont connus mais les investisseurs préfèrent les ignorer. Si l’un d’eux apparaissait, une brusque remontée de la volatilité pourrait engendrer une correction passagère de 5 à 10%. 

Face à ce risque de repli dans les prochaines semaines, nous suggérons de prendre quelques bénéfices et de procéder à des allégements progressifs et tactiques des positions actions. Le produit des ventes sera conservé en liquidités pour les réinvestir rapidement dans une optique à moyen et long terme lors d’une consolidation.

Par ailleurs, nous recommandons également de n’investir que très graduellement les portefeuilles très peu investis actuellement en profitant des petites opportunités qui se présentent régulièrement.

Nous maintenons notre opinion Surpondérer sur les actions, à court et à moyen terme. Nous sommes Surpondérés sur les actions américaines et européennes, Neutres sur les actions japonaises. Au sein des pays émergents, nous conservons une position Neutre sur l’Asie à court terme et Surpondérer à moyen terme.

 

Dans nos recommandations sectorielles, nous avons relevé à Surpondérer les Banques à moyen terme (les valorisations restent modérées et elles profitent de la normalisation des taux) et la Distribution à court terme. Nous avons abaissé à Neutre à court terme les Produits de Base après leur très beau parcours. Nous avons abaissé à Neutre à court terme le secteur Assurance qui semble plus hésitant. Enfin, nous avons relevé à Neutre à court terme, trois secteurs défensifs, Biens de Consommation, Alimentation et Boissons et Immobilier dont la sous-performance est déjà importante. Nous conservons un bon équilibre entre actions défensives et cycliques et entre style value et croissance.

Nous conservons une opinion Sous-pondérer à court et à moyen terme sur les produits obligataires et sur les liquidités. Nous ne privilégions que les obligations européennes convertibles (à moyen terme seulement) ou à haut rendement.

 

Fin avril, notre Comité d’Allocation d’Actifs a décidé de réduire plus sensiblement le poids des actions de 4.5%, de manière assez générale. C’est un allègement tactique de court terme. Nous avons relevé principalement le poids du poste Divers (liquidités) et des produits de taux indexés/inflation. Nous avons réduit parallèlement les obligations convertibles européennes.

Vincent GUENZI

Directeur de la Stratégie d’Investissement

Achevé de rédiger le 7 mai 2021.