La stratégie d'investissement

février 2019

Les indices ont regagné le terrain perdu en décembre. Qu’en attendre maintenant ?

L’ampleur du rebond des marchés a égalé l’excès de la baisse. Il a été déclenché par l’inversion des motifs qui avaient provoqué cette dernière. Aujourd’hui les valorisations des marchés se sont à nouveau ajustées aux perspectives réduites de l’activité. Les risques qui pèsent sur celle-ci sont encore nombreux, ce qui justifierait que les Bourses fassent au moins une pause. En revanche, la Fed, par sa patience, et Donald Trump, par son empressement à calmer le jeu quand les marchés s’inquiètent, sont peut-être devenus les alliés des investisseurs. Le risque de fort repli des marchés a sans doute diminué. Compte tenu du calendrier des prochaines semaines et des signaux mitigés sur la croissance, des opportunités d’achat pourraient se présenter avec un moindre risque qu’au début de l’année. Nous restons encore prudents à court terme mais le niveau de confiance est remonté.

 

Le rebond des indices boursiers a été à la hauteur de leur baisse en décembre. L’indice mondial, qui avait perdu 8.5%, a retrouvé son point de départ ces derniers jours. L’excès de pessimisme a produit un mouvement symétrique de soulagement au vu du bon déroulement des négociations sino-américaines et à l’annonce de la Fed d’une position plus conciliante à deux reprises. La pause dans la remontée des taux d’intérêt est officielle, du moins tant que l’inflation est stable. Par ailleurs, la Fed pourrait ralentir la réduction de la taille de son bilan afin de ne pas déstabiliser le secteur bancaire et le financement des entreprises. Pour les investisseurs, cette seconde annonce inattendue a permis de faire reculer la crainte de raréfaction des liquidités mondiales ainsi que le risque d’accentuation du ralentissement économique global.

Les marchés obligataires se sont également détendus, sur les emprunts d’Etat et surtout sur les obligations privées. Un autre effet induit a été l’affaiblissement du dollar face aux devises émergentes. Il permet à ces pays de moins défendre leur monnaie et d’assouplir leur politique monétaire ce qui a favorisé la hausse de leurs marchés financiers.

La plupart des indices boursiers des pays développés sont donc revenus à leur niveau de novembre. Peuvent-ils poursuivre leur mouvement haussier ? Les obstacles sont encore nombreux.

 

Les négociations sino-américaines peuvent encore échouer. Apparemment les progrès sont réels sur l’amélioration des échanges commerciaux mais les désaccords subsistent sur la propriété intellectuelle et les entraves administratives pour accéder au marché chinois. L’affaire Huawei est d’ailleurs un bon exemple des griefs et des sources de tension qui mettront du temps à s’aplanir. De plus, la fermeture des administrations américaines peut être à nouveau décrétée d’ici quelques jours si aucun budget n’était voté. Donald Trump est apparu conciliant lors de son discours sur l’état de l’Union, proposant aux Démocrates un projet de réduction des prix des médicaments et une rénovation des infrastructures du pays mais les antagonismes restent forts. Les marchés espèrent que Donald Trump et Xi Jinping préféreront in fine éviter une guerre commerciale et un effondrement de la croissance et des Bourses, ce qui parait assez plausible.

Outre les risques politiques et géopolitiques (Venezuela, sanction iranienne sur le pétrole, procédure judiciaire contre Donald Trump), le contexte économique reste mitigé aux yeux des investisseurs.

Le FMI et l’Union européenne ont d’ailleurs abaissé leurs prévisions de croissance. L’Allemagne a évité de peu une récession mais celle-ci n’a pas épargné l’Italie. Le ralentissement se poursuit dans la zone euro. L’incertitude liée au Brexit et la baisse des commandes à l’export pèsent sur le climat des affaires. Aussi, l’évolution de la situation chinoise est scrutée de près. Comme en Europe et au Japon, l’expansion y est à l’arrêt dans le secteur industriel et les mesures de soutien des Autorités, renforcées encore récemment, ont certes satisfait les marchés mais elles tardent à contrer le ralentissement. Un accord commercial avec les Etats-Unis lèverait sans doute l’attentisme qui bride actuellement les échanges commerciaux alors qu’une amélioration de l’activité semble heureusement se dessiner aux Etats-Unis et dans les autres pays émergents. L’Europe profiterait alors aussi de cette embellie.

Par ailleurs, si des entreprises, comme Apple ou Caterpillar, ont souligné des difficultés en Chine en début d’année, ce phénomène ne s’est pas généralisé. D’autres ont fait des avertissements sur leur bénéfice, comme dans le secteur automobile, et elles ont été souvent sanctionnées. Mais globalement, les publications de résultats se font de manière satisfaisante aux Etats-Unis alors qu’elles sont un peu décevantes en Europe. Le bon comportement des marchés actions provient aussi du fait que leur valorisation intègre déjà le ralentissement de la croissance et la baisse des estimations de résultats (-5% depuis l’automne). Ajouté au soutien de la Fed, cela réduit le risque de forte rechute des marchés.

En revanche, la valorisation des actions s’est redressée et pour progresser davantage, les marchés ont besoin d’avoir une meilleure visibilité sur la croissance et sur les risques qui pèsent sur celle-ci. Il serait donc logique qu’une période d’attentisme se mette en place en Bourse. La nature des prochaines nouvelles décidera de la forme de celle-ci : stabilisation ou prises de profits plus appuyées.

Le calendrier est chargé avec la reprise des discussions budgétaires américaines, la poursuite des négociations avec la Chine, le feuilleton du Brexit et toutes les publications de statistiques économiques. Des occasions d’achat pourraient donc se présenter prochainement en cas de déceptions.

La hausse des indices les a rapprochés de nos prévisions pour juin et décembre 2019, que nous maintenons globalement, à part un petit relèvement pour les Etats-Unis. Le potentiel résiduel pour la fin de l’année est d’environ 4% mais nous pourrions relever nos prévisions en fonction de l’amélioration réelle de l’environnement économique et politique.

 

Nous n’avons pas modifié nos recommandations globales sur les actions, toujours Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme. Dorénavant, à court terme, nous sous-pondérons le Japon, nous surpondérons globalement les pays émergents et toujours les Etats-Unis. L’Europe reste sous pondérée pour l’instant.

Nous avons procédé à plusieurs ajustements sectoriels. Le secteur Immobilier devrait profiter du maintien des taux bas, il est relevé à Surpondérer à court terme. Le secteur Automobile est relevé à Neutre à court terme compte tenu de sa faible valorisation mais abaissé à Sous-pondérer à moyen terme. Le secteur Santé est abaissé à Neutre à court terme à cause du risque de réglementation américaine sur les prix. Le retournement de tendance du secteur Télécommunications nous amène à ramener la note à court et moyen terme à Neutre. Enfin, l’environnement durable de taux bas devrait pénaliser le secteur Banque, pourtant déjà peu cher, que nous abaissons à moyen terme à Sous-pondérer.

Nous avons relevé notre opinion à court terme sur les produits obligataires à Neutre car nous avons remonté nos notes à court et moyen terme sur les obligations émergentes à Surpondérer et les notes à court terme sur les obligations privées américaines à Neutre.

Dans notre allocation équilibrée, nous avons tactiquement pris quelques profits en réduisant le poids des actions aux Etats-Unis, en Europe et au Japon et celui des obligations convertibles. Nous avons augmenté celui des emprunts d’Etat périphériques en Zone euro, des obligations émergentes et des liquidités.

   

Achevé de rédiger le 8 février 2019

Vincent Guenzi

Directeur de la stratégie d’investissement