La stratégie d'investissement

juillet 2019

La consolidation semble terminée mais la progression des marchés se poursuivra-t-elle ?

Un mois de correction aura suffi pour digérer la hausse que les marchés avaient enregistrée en 4 mois et leur permettre de repartir de plus belle vers de nouveaux sommets, en tout cas pour les actions américaines et européennes, les emprunts d’Etat et les obligations privées. Les revalorisations de ces marchés au 1er semestre sont les plus fortes constatées en six mois depuis 2008. Que peut-on attendre de la trêve USA/Chine finalement annoncée au G20 ? Quels sont les autres points à surveiller cet été ? Les marchés actions, malgré leur progression, ne nous semblent pas trop risqués mais le potentiel d’appréciation supplémentaire est limité à court terme. Par ailleurs, nous sommes préoccupés par l’évolution des taux longs qui nous semblent trop bas. Comme le mois dernier, nous restons donc raisonnablement prudents à court terme. Notre exposition légèrement sous-investie nous permet d’être relativement sereins et confiants pour les prochains trimestres.

Les investisseurs peuvent remercier la Fed, la BCE et Donald Trump. En effet, lors de sa réunion du 19 juin, la Fed a signalé une posture plus conciliante et très attentive aux risques économiques domestiques et internationaux, et ce d’autant que l’inflation reste basse. Par la suite, la BCE et son Président ont également évoqué la possibilité d’adopter des nouvelles mesures pour redresser une inflation décidément trop faible et soutenir l’activité. Ces interventions ont permis une nouvelle décrue des taux longs dans de nombreux pays, ceux-ci passant également en territoire négatif en France, en Belgique ou en Irlande, sans parler des taux à 10 ans allemands tombés à -0.3%.

Par ailleurs, à l’approche du G20 de fin juin, la perspective d’une rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping a ressurgi et a alimenté les espoirs de reprise des négociations rompues fin mai. Dans ce contexte plus favorable, les escarmouches dans le Golfe Persique et les craintes d’escalade avec l’Iran n’ont pas eu d’impact durable à part une petite remontée des cours du pétrole. De même, l’arrivée en 1ère position de Boris Johnson, ardent Brexiter, devant Jeremy Hunt, dans la course au poste de Premier Ministre du Gouvernement de sa Majesté, n’a pas fait dérailler le rally des actions.

Que peut-on attendre de la trêve USA/Chine finalement annoncée au G20 ? Elle constitue un événement positif puissant mais probablement transitoire pour les marchés. En effet, elle repousse l’impact de la hausse des droits de douane sur les économies américaine et chinoise que l’on craignait. Mais les questions centrales relatives à la propriété intellectuelle et aux transferts de propriété n’ont pas été évoquées et resteront des points sensibles et délicats à trancher. Ce qui rend les observateurs dubitatifs sur la possibilité d’un accord complet d’ici à l’automne. A l’inverse, une fois de plus, Trump a modéré ses positions (vis-à-vis de la Chine, du Président Coréen ou de l’Iran) quand les tensions ont atteint un niveau difficilement supportable pour les Bourses et l’économie américaine !

De ce fait, il est extrêmement difficile d’évaluer les chances d’accord plus large ou d’échec total de ces négociations commerciales. Sans oublier les tweets du Président américain qui peuvent rebattre les cartes à tout moment et relancer les craintes et les doutes au sujet des échanges avec l’Europe ou d’autres pays.

En conclusion, les marchés échaudés par les précédents épisodes, ne vont sans doute pas s’enflammer durablement sans des résultats concrets mais ils ont aussi appris à gérer le risque « Trump » qui les affole moins. Les probabilités de baisse se sont donc probablement atténuées.

Quels sont les autres points à surveiller cet été ? En premier lieu, les marchés obligataires et les statistiques économiques. Les espoirs des marchés obligataires semblent démesurés. Ils attendent 1% de baisse des taux en 12 mois ce qui est irréaliste. La Fed peut sans doute les réduire de 0.25% ou 0.50% pour intégrer le faible niveau de l’inflation et le risque économique. Mais pour aller au-delà, elle aurait besoin de signaux de ralentissement économique beaucoup plus fort entraînant un risque de récession. Or, même si l’économie américaine faiblit, la probabilité de récession n’est pas assez élevée. Si les prochains chiffres de l’emploi sont meilleurs qu’en mai, les anticipations sur l’évolution des taux pourraient se retourner et alimenter un repli des marchés obligataires, devenus chers après leur récente hausse, et entraîner les actions qui en ont profité le plus.

Heureusement, les marchés actions dans leur ensemble ne sont pas dans une bulle spéculative.

L’optimisme n’est pas démesuré et le niveau de la prime de risque les protège en partie d’une petite remontée des taux longs. En revanche, ils sont également sensibles aux fluctuations des estimations bénéficiaires des sociétés et donc au cycle économique.

Sur ce point, la situation reste mitigée. La croissance mondiale semble se stabiliser à nouveau sauf dans la sphère industrielle. Plus précisément, l’activité semble ré-accélérer légèrement en Europe. Elle se stabiliserait au Japon et continue à faiblir dans les pays émergents. Quant aux Etats-Unis, le pays reste en forte croissance mais celle-ci ralentit progressivement. Ce sont, bien sûr, les risques de guerre commerciale et de blocages des échanges commerciaux mondiaux (dans la technologie notamment) qui freinent les investissements et font baisser la confiance des agents économiques. La conclusion d’un armistice, même incomplet, est donc vitale pour arrêter ce ralentissement modéré pour l’instant.

Ces incertitudes se constatent dans l’évolution des prévisions des économistes (qui ont réduit pour la première fois les prévisions pour 2020) mais aussi dans celles des analystes financiers. Or les prévisions de bénéfices et de croissance des résultats pour 2019 baissent fortement depuis un an au Japon, aux Etats-Unis et beaucoup plus modérément en Europe. Quant aux prévisions pour 2020, elles sont étonnement plus stables, ce qui est positif à court terme mais légèrement préoccupant. Ce manque de carburant pour les actions a été compensé par le fort repli des taux longs. Mais si celui-ci s’arrête ou si les déceptions l’emportent lors des publications de résultats du 2ème trimestre, le rally haussier des actions pourrait s’interrompre.

 

Enfin, il nous faut rappeler les autres facteurs de risque habituels.

 Le candidat retenu au poste de 1er ministre du Royaume-Uni devrait être connu vers le 23 juillet. C’est un facteur négatif. En revanche, au sein des instances européennes, les candidats aux 4 principaux postes viennent d’être annoncés dont Christine Lagarde pour la BCE en remplacement de Mario Draghi fin octobre, ce qui a rassuré les investisseurs quant à la poursuite d’une politique monétaire conciliante. De plus, l’Italie vient d’échapper aux sanctions prévues dans le cadre de la procédure de déficit excessif, ce qui a poussé les taux italiens encore plus bas. Le pays restera néanmoins sous surveillance notamment lors de la préparation de son prochain budget à l’automne. Les tensions dans le Golfe Persique avec l’Iran restent palpables même si Trump a déclaré ne pas vouloir la guerre tout en prédisant une victoire rapide en cas de conflit…

 

En résumé, quelles sont les hypothèses les plus probables pour les prochaines semaines, dans l’ordre chronologique ?

– les résultats publiés aux Etats-Unis sont globalement conformes aux attentes avec quelques déceptions,

– Boris Johnson est le candidat retenu par le Parti Conservateur,

– la Fed baisse ses taux de 0.25% le 31 juillet, satisfaction ou déception ?

– les négociations commerciales se poursuivent pendant l’été, sans nouvelle concrète, ce qui entretient l’espoir,

 – les tweets de Donald Trump continuent d’occasionner des réactions épidermiques passagères,

– les signaux économiques restent mitigés sans être trop inquiétants ce qui entretient l’attentisme.

Dans ce contexte, nous restons prudents sur l’évolution des taux longs qui pourraient remonter de 0.20% en Europe à court terme ce qui pénalisera les marchés obligataires les plus sûrs, alors que les obligations des entreprises ou des Etats périphériques européens peuvent profiter du maintien de la confiance.

Les marchés actions, malgré leur progression, ne nous semblent pas trop risqués mais le potentiel de hausse est limité à court terme par toutes les contraintes évoquées. Renforcer globalement des positions en actions aujourd’hui nous semble donc déraisonnable. Alléger certaines positions si l’appréciation des actions continue quelques semaines serait sans doute opportun alors que des risques peuvent se présenter à tout moment. Mais face aux faibles rendements des autres placements, les actions ont toujours leur place dans des portefeuilles à constituer ou trop peu investis.

Pour être complet, n’oublions pas la possibilité d’avoir un accord USA/Chine plus large, assorti d’une réduction des droits de douane récemment augmentés. Certes, ceci suppose une reculade de la Chine mais, dans ce cas, le potentiel de hausse des actions à horizon de 12 mois (+5 à 10%) serait très supérieur à nos prévisions actuelles, avec une probabilité que l’on pourrait évaluer à 10%. Quelques analystes techniques commencent aussi à évoquer ces objectifs.

 

Comme le mois dernier, nous restons donc raisonnablement prudents à court terme. Notre exposition légèrement sous-investie nous permet d’être relativement sereins et confiants pour les prochains trimestres.

Nous avons peu modifié nos prévisions sur les marchés actions pour fin décembre et fin juin 2020 (avec un abaissement pour le Japon). Par rapport aux niveaux actuels, le potentiel de hausse des indices est de l’ordre de 3 à 5% à six et douze mois.

 

Nous maintenons nos recommandations globales sur les actions, Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme. Nous n’avons pas modifié les notes des différentes zones géographiques, et conservons nos préférences pour les Etats-Unis et aussi l’Europe à moyen terme.

Nous avons procédé à quelques ajustements sectoriels. Nous avons relevé la note à court terme du secteur Santé à Surpondérer. Nous avons abaissé celle de la Distribution à Sous-pondérer et celle des Medias à Neutre. Nous maintenons donc une allocation assez défensive. Celle-ci pourrait évoluer en cas de remontée des taux longs ou d’accord significatif entre la Chine et les Etats-Unis.

 

Nous conservons notre opinion Neutre à court terme et Sous-pondérer à moyen terme sur les produits obligataires. Compte tenu du bas niveau sur les taux longs, il nous semble que ces produits auront du mal à conserver leur tendance haussière.

 

Dans notre allocation équilibrée, en fin de mois dernier, notre Comité d’Allocation d’Actifs a modestement abaissé le poids des actions américaines et émergentes. Nous avons également allégé la pondération des emprunts d’Etats et des obligations convertibles au profit des liquidités et des produits de multi-stratégie obligataire.

Vincent GUENZI

Directeur de la Stratégie d’Investissement

Achevé de rédiger le 4 juillet 2019.