La stratégie d'investissement

juin 2018

Maintien de la prudence à court terme mais nous restons confiants pour la fin de l’année.

La crise italienne et les tensions géopolitiques ont entrainé une remontée assez localisée de l’aversion au risque et une baisse des actifs financiers qui y étaient sensibles. Les incertitudes ont été compensées en partie par d’autres facteurs plus favorables. Par prudence, nous avons abaissé nos objectifs sur tous les indices boursiers. Nous maintenons une opinion Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme sur les actions.

Après avoir poursuivi leurs rebonds pendant quelques semaines, les marchés financiers ont connu au mois de mai un retournement brusque mais qui est resté assez localisé. La remontée de l’aversion au risque a été forte mais pas générale.

Le retour du risque politique italien a touché les actifs de la zone euro qui y sont le plus sensible: les actions et les obligations d’Europe du Sud et plus spécialement, le secteur financier.

Après deux mois de tractations infructueuses pour former une majorité après les élections législatives, les deux partis populistes, le Mouvement 5 Etoiles (M5S) antisystème, et la Ligue eurosceptique, ont créé la surprise en annonçant un accord sur un programme commun de gouvernement, avec le soutien de Forza Italia de Berlusconi. Dans un premier temps, le Président du Conseil initialement choisi n’a été accepté par le Président Italien, garant des Institutions, qui le jugeait trop anti européen. Face à une éventualité de nouvelles élections dont les résultats auraient pu être encore meilleurs pour les partis populistes, une autre personnalité issue de la coalition, plus neutre, Giuseppe Conte, a été retenue et nommée par le Président Mattarella. Son Gouvernement a obtenu la confiance des deux Assemblées.

Le programme commun prévoit notamment : l’abrogation de la loi sur les retraites qui augmentait l’âge légal de départ, l’instauration d’un revenu citoyen mensuel de 780 euros, une baisse du barème des impôts à 15% et 20%. Le coût de ces mesures est évalué à plus de 100 milliards d’euros soit 6% du PIB, alors que le déficit budgétaire dépasse 2% du PIB et la dette totale 130% de celui-ci. Elles ne sont pas financées autrement que par quelques économies et sont surtout gagées sur les recettes fiscales issues du surplus de croissance qu’elles entraineraient ! Par ailleurs, l’autre pilier du programme est la baisse du poids de l’immigration en Italie et la réduction de l’encadrement européen sur la politique italienne. Il est nul besoin de préciser que toutes ces mesures ne seront pas du goût de Bruxelles et qu’elles font peser un risque financier important sur la dette italienne.

Les marchés en ont pris acte, après plusieurs séances de crises, où les taux italiens ont explosé à la hausse avant de refluer en partie. La Bourse italienne et les banques européennes ont baissé fortement en souvenir des précédents épisodes grecs, portugais, espagnols et italiens des années 2010/2011. Puis, un calme relatif s’est installé. En effet, les investisseurs considèrent que le Président italien peut encore bloquer des lois trop onéreuses et anti-européennes. La logique voudrait que le Gouvernement italien «négocie» avec la Commission Européenne dans un premier temps une application même partielle de son programme. Enfin, le poids et la stature de l’Italie font que la Commission ne peut pas se permettre une crise aigüe qui mettrait à l’épreuve la cohésion de toute l’Union Européenne. Enfin, il est possible que cette situation permettre de faire bouger les lignes de l’Union Européenne en termes de gouvernance ou d’immigration, seul moyen de faire reculer le populisme grandissant en Europe… Comme à chaque fois, le pire n’est pas certain, mais nous devons probablement nous préparer à d’autres périodes de tensions car les négociations seront ardues.

Le mois de mai a apporté d’autres déceptions et tensions d’ordre géopolitique.

Les Etats-Unis ont d’abord dénoncé l’accord sur le nucléaire iranien et réimposé leurs sanctions économiques et financières qui frapperont aussi les entreprises commerçant avec l’Iran. Puis la réunion prévue avec le Président nord-coréen a été annulée avant d’être à nouveau reprogrammée le 12 juin. Ces atermoiements n’ont heureusement pas eu beaucoup d’impact sur les marchés financiers.

Les discussions commerciales des Etats-Unis avec leurs partenaires ont connu de nombreux rebondissements. Une volonté d’accord semblent s’être dégagée avec la Chine mais les progrès ont été faibles et les résultats encore insuffisants pour les Etats-Unis. L’échec des discussions avec une Europe désunie a amené Donald Trump à suspendre son moratoire et à appliquer les sanctions prévues sur les importations d’acier et d’aluminium qui touchent aussi le Canada et le Mexique. Les importations automobiles européennes seraient aussi frappées. La Commission Européenne a promis des mesures de rétorsion… L’ambiance risque d’être glaciale au prochain sommet du G7 !

Posture de négociation ou impasse définitive et risque d’escalade protectionniste ? L’avenir nous le dira mais nous espérons que le réalisme, dont l’Amérique a su parfois faire preuve, l’emportera.

Les pays émergents ont été également confrontés à leurs risques habituels (dépréciation de la monnaie, risque politique ou ralentissement d’activité) mais ils subissent aussi le regain des tensions protectionnistes.

Les derniers signaux économiques ont été un peu plus faibles, en dehors des Etats-Unis. Une accentuation des risques géopolitiques serait bien entendu préjudiciable à cette croissance fragilisée.

La persistance de toutes ces incertitudes a été compensée par plusieurs facteurs favorables: une accalmie sur le prix du pétrole, la hausse des indices américains, une croissance qui reste assez positive en Europe et très positive aux Etats-Unis, des politiques monétaires encore accommodantes, des estimations de résultats des entreprises qui font l’objet de révisions en hausse aux Etats-Unis, au Japon et en Europe pour 2018 et 2019.

Les valorisations des indices américains et européens ne sont pas excessives. Elles ont baissé depuis le début de l’année et sont maintenant proches de leurs moyennes historiques. La prime de risque reste favorable aux placements actions face aux obligations. Enfin, malgré les reculs de certains indices européens, les tendances de nombreux secteurs se sont encore améliorées, compensant le fort repli des secteurs Banques et Assurance.

 

Par prudence, nous avons abaissé nos prévisions pour tous les indices à fin juin et à fin décembre : de 7% pour l’Eurostoxx50, qui semble le plus fragile, de 2 à 3% pour les autres zones. Les actions américaines continuent à progresser et ont repris l’avantage sur les autres bourses qu’elles peuvent entrainer dans un léger rebond. Mais les marchés européens sont dans une phase de convalescence qui peut s’avérer volatile pendant plusieurs mois.

D’ici à la fin de l’année, le potentiel d’appréciation est compris entre 5 et 6 % selon les indices.

 

Notre allocation d’actifs détaillée se trouve en page 14. Nous avons légèrement modifié notre allocation sur les actions. Nous conservons une recommandation Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme mais nous surpondérons légèrement les actions américaines et sous pondérons d’autant les actions européennes. Nous avons relevé à Surpondérer les actions asiatiques et abaissé à Sous-pondérer les actions sud-américaines.

Nous avons modifié nos recommandations sectorielles au vu des événements intervenus et des tendances qui se sont mises en place.

Nous avons abaissé notre opinion à court terme à Neutre sur l’Assurance et les Services Financiers. Nous l’avons relevée à Neutre pour la Santé et à Surpondérer pour les secteurs Technologie, Construction & Matériaux, Biens de Consommation non durables et Immobilier. A moyen terme, nous avons abaissé la note à Neutre pour l’Automobile, les Banques et l’Assurance. Nous l’avons relevé à Neutre pour les Biens de Consommation non durables et à Surpondérer pour les secteurs Media et Distribution.

Nous maintenons un scénario de remontée graduelle des taux longs aux Etats-Unis, en direction de 3.15% d’ici à 6 mois, mais nous avons abaissé les prévisions sur les taux allemands de à 0.80% à 0.60%, compte tenu de la situation italienne et du possible report des annonces de la BCE sur la fin de son programme d’achat d’actifs. Nous conservons notre opinion Neutre sur les produits obligataires à court terme et Sous pondérer à moyen terme.

Sur le marché des changes, nous maintenons une position Neutre sur l’euro/dollar à court terme et Surpondérer à moyen terme. Les inquiétudes liées à la crise politique italienne ont fait baisser l’Euro face à presque toutes les devises. A l’inverse, le dollar, qui faisait déjà preuve de fermeté, a poursuivi sa hausse. L’euro/dollar a touché un point bas à 1.15 avant de remonter vers 1.17. Sa correction pourrait toucher à son terme si le risque politique reflue en Europe. Nous renouvelons notre conseil de couvrir les positions en actions américaines contre le risque de baisse du dollar quand la parité €/$ évolue entre ces niveaux.

Dans notre allocation équilibrée, nous avons maintenu une position prudente à court terme avec une légère sous pondération des actions. Nous avons allégé marginalement le poids des actions européennes en faveur des actions émergentes asiatiques.

Dans la partie défensive, nous avons allégé les postes multi stratégie obligataire, taux variable/inflation, les obligations US et émergentes et nous avons augmenté le poids des liquidités et des obligations convertibles.

 

Sommaire 

Editorial-Synthèse

Economie : des prévisions assez stables mais le rythme d’activité ralentit sauf aux Etats-Unis.

Marchés de taux d’intérêt : retour des tensions sur les produits obligataires les plus risqués.

Marchés des changes et des Matières Premières : baisse de l’euro et fermeté du dollar.

Résultats des entreprises, évolutions des secteurs européens.

Evolution des marchés actions et des valorisations : retour de l’aversion au risque.

Stratégie d’investissement : prudence maintenue sur les actions à court terme.

Allocation d’actifs d’un fonds patrimonial Equilibré : réduction minime des actions en Europe.

Achevé de rédiger le 7 juin 2018

Vincent GUENZI

Directeur de la Stratégie d’Investissement